Du 10 au 13 juin 2025, la ville de Yaoundé accueille le troisième congrès de la Société camerounaise de chirurgie pédiatrique (SCCP), sous le signe de l’innovation, de la collaboration et de l’amélioration des soins chirurgicaux pédiatriques. Un événement scientifique d’envergure qui met en lumière une spécialité encore trop peu connue, mais essentielle pour répondre aux besoins spécifiques des enfants au Cameroun.
Une spécialité méconnue, pourtant vitale
Le professeur Mouafo Tambo Faustin, chirurgien pédiatre et chef de service à l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé (HGOPY), a profité de l’occasion pour sensibiliser sur l’importance de la chirurgie pédiatrique : «L’opportunité d’une telle rencontre, c’est d’abord de faire connaître notre spécialité. Dans notre environnement, on connaît la pédiatrie comme branche de la médecine interne, mais on ignore souvent que la chirurgie pédiatrique existe aussi pour répondre exclusivement aux besoins des enfants. »
Il rappelle que certains chirurgiens au Cameroun se consacrent uniquement à la prise en charge de l’enfant, et que ces spécialistes formés disposent des compétences fondamentales pour intervenir de manière adaptée : « Notre société savante est là pour répondre aux besoins chirurgicaux de l’enfant dans notre pays. Le Cameroun compte environ 43 % de sa population entre 0 et 3 ans. Et pourtant, le ratio de chirurgiens pédiatriques est loin d’être suffisant. »
Le pays ne compte actuellement que 30 chirurgiens pédiatriques en exercice, et 14 en formation, soit 44 spécialistes pour tout le territoire national. Plusieurs régions du pays restent donc sans couverture spécialisée pour la chirurgie pédiatrique.
Un enfant n’est pas un adulte en miniature
Le professeur Mouafo a insisté sur une réalité fondamentale : la prise en charge de l’enfant diffère radicalement de celle de l’adulte : « L’enfant n’est pas un adulte en miniature. Il a une physiologie particulière, une croissance en cours, une éducation à venir. On ne peut pas lui transférer les techniques de l’adulte. Il faut des approches spécifiques. »
Il déplore aussi l’insuffisance du plateau technique humain dans la spécialité, plaidant pour une meilleure reconnaissance et un soutien accru à la formation de chirurgiens pédiatriques.
Un congrès en deux temps
Le troisième congrès de la SCCP a démarré le 10 juin 2025 par une phase pré-congrès à l’HGOPY, consacrée aux ateliers pratiques, à la formation continue, et aux échanges cliniques. La phase scientifique s’est ouverte le jeudi 12 juin dans un hôtel de Yaoundé.
Durant deux jours, les participants assistent à des communications scientifiques, conférences magistrales, panels de discussion et présentations de travaux de recherche, en présence de nombreux spécialistes camerounais et internationaux.
Ce rendez-vous vise à promouvoir l’excellence médicale, le partage d’expériences, et le renforcement des capacités des acteurs du secteur.
Un thème ambitieux et porteur d’espoir
Le thème de cette édition – « Chirurgie colorectale pédiatrique et chirurgie mini-invasive pédiatrique » – est à la fois technique et symbolique : « La chirurgie colorectale pédiatrique est un domaine exigeant, confronté à des malformations congénitales ou des pathologies rares. La chirurgie mini-invasive, quant à elle, représente l’avenir : moins de douleur, moins de complications, un meilleur confort post-opératoire et un retour plus rapide à la vie normale. »
Les organisateurs saluent l’engagement de la SCCP, des enseignants-chercheurs, des chirurgiens, des pédiatres, des chercheurs, des étudiants, ainsi que des partenaires internationaux venus du Tchad, du Gabon, de la République Centrafricaine, et du Niger, en présentiel ou à distance : « Leur présence est un acte de foi en la science, en la médecine, en la collaboration, et surtout, en l’enfant africain. »
Une reconnaissance institutionnelle forte
Présent à la cérémonie d’ouverture, le Secrétaire général du ministère de la Santé publique, le professeur Louis Richard Njock, spécialiste en ORL, a salué la vitalité de la jeune société savante, créée il y a à peine 5 ans : « Le ministère est attentif au développement de votre spécialité. Vous avez sûrement constaté les efforts du gouvernement pour moderniser les plateaux techniques des hôpitaux. »
Aujourd’hui, le Cameroun compte huit hôpitaux régionaux fonctionnels, dotés d’équipements capables de réaliser des actes chirurgicaux sur les enfants. Mais ces infrastructures manquent encore de ressources humaines spécialisées.
Pour y remédier, le chef de l’État a autorisé un recrutement spécial de plus de 9 000 praticiens de santé, tous grades confondus : « Ce recrutement permettra de combler le manque de ressources humaines, de lever les limites d’employabilité et d’assurer que seule la compétence prévale dans l’amélioration des soins hospitaliers. »
Il a également encouragé la formation médicale continue, félicitant les organisateurs du congrès, et demandant que les résolutions issues des travaux soient transmises au ministère pour une éventuelle application.
Une dynamique scientifique pour l’avenir
Les travaux scientifiques du congrès visent à dégager des consensus et à formaliser des algorithmes de bonne pratique, utiles à l’amélioration des soins dans les hôpitaux du pays : « Ces journées scientifiques doivent être riches en échanges, découvertes et perspectives nouvelles. Qu’elles soient un creuset de savoir et un catalyseur d’actions concrètes pour améliorer durablement la santé des enfants dans notre région. », a expliqué la représentante de la doyenne de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l'université de Yaoundé 1.
Ce troisième congrès de la SCCP confirme que la chirurgie pédiatrique est une discipline à fort enjeu pour le Cameroun et la sous-région. Son développement nécessite volonté politique, formation renforcée, mobilisation scientifique et solidarité régionale.
La voix des spécialistes est désormais portée haut, pour que chaque enfant, même dans les coins les plus reculés du pays, puisse bénéficier de soins chirurgicaux adaptés, sûrs et de qualité.