Devant le parlement réuni en congrès, Paul Biya a prêté serment le jeudi 6 novembre 2025 à Yaoundé. Donné vainqueur par le Conseil constitutionnel le 27 octobre dernier, l’homme du 6 novembre 1982 va ainsi entamer son huitième mandat (2025 - 2032) en tant que président de la République du Cameroun, turlupiné par ses 92 ans bien sonnés et l’encombrante étiquette du «plus vieux président du monde en exercice». Et ce n’est pas tout.
L’événement intervient dans un contexte ensanglanté : contestation des résultats d’ELECAM, manifestations généralisées, arrestations arbitraires et musclées, coups et blessures, tueries à balle réelle, destruction de biens publics et privés, villes mortes... Un détail qui ne semble ne pas affecter la sérénité du locataire nonagénaire d’Etoudi.
Dans son discours de prestation de serment, il s’empresse d’exprimer sa «très profonde gratitude au peuple camerounais», qui, une fois de plus, a décidé de l’«honorer de sa confiance». Il promet de ne ménager «aucun effort pour continuer à être digne de cette confiance, quelles que soient les circonstances, quelles que soient les difficultés, les obstacles ou les défis».
Il promet aussi d’œuvrer «sans relâche, à l’avènement d’un Cameroun uni, stable et prospère». Une perspective qui, selon ses propres mots, appelle une «union sacrée» : «L’heure est désormais au rassemblement», ajoute-t-il. Il ne manque pas de pointer du doigt «les troubles survenus après le scrutin» et prévient que «l’ordre régnera et le Cameroun continuera d’avancer».
Trouble-fête
Au milieu de la symphonie des réjouissances marquant la prestation de serment et la prise de fonction de Paul Biya, les militants et sympathisants du RDPC scrutent d’un œil inquiet les brouilles qui se profilent à l’horizon. Issa Tchiroma Bakary, le candidat du FSNC, deuxième selon les résultats officiels, continue de revendiquer sa victoire. Il annonce un gouvernement parallèle qui sera publié dans les prochains jours et affirme qu’il y aura dorénavant deux présidents au Cameroun : «un, élu par le peuple, et un autre, nommé par le Conseil constitutionnel».
En dehors des régions comme le Centre et le Sud, le mot d’ordre de villes mortes a été suivi par une bonne tranche de la population, avec une observation plus rigoureuse dans la partie septentrionale du pays.
Des voix se multiplient pour fustiger la victoire de Biya. Le président de la commission des affaires étrangères au Sénat américain, Jim Risch, accuse le régime de Yaoundé d’avoir «organisé une mascarade de réélection». Par ailleurs, un collectif d’avocats soutenant Tchiroma Bakary exige que la communauté internationale rejette la prestation de serment de Biya et procède à un audit pour déterminer le véritable vainqueur du scrutin. La présidente de l’UDC, Patricia Tamaïno Ndam Njoya, vient pour sa part de publier un communiqué rude, dénonçant un verdict qui ne reflète pas la vérité des urnes et appelant à un dialogue élargi visant la refonte complète du système électoral camerounais. Visiblement, la page de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 semble loin d’être tournée.





