Dans un entretien accordé à Centrifuge Hebdo le 19 novembre 2024, Dr Ali Ahmed Yahaya, chef d'équipe RAM OMS Afro, revient sur des questions importantes liées à la santé publique. Entretien sollicité dans le cadre de la célébration de la semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens. Un événement qui a réuni les pays africains à Yaoundé au Cameroun du 14 au 23 novembre dans le cadre d'une commémoration continentale.
Centrifuge Hebdo : Dr Ali Ahmed Yahaya, vous êtes chef d'équipe résistance aux antimicrobiens (RAM ), OMS AFRO. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi toute une semaine pour commémorer la résistance aux antimicrobiens ?
Dr Ali Ahmed Yahaya : Nous sommes ici à Yaoundé pour une commémoration de sept jours. On a plusieurs activités pour essayer d'éduquer, de promouvoir et d'agir dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. La RAM représente un problème majeur en santé publique. Elle est donc responsable d'une morbidité et d'une mortalité élevée au niveau mondial et surtout en Afrique. Malheureusement ce problème engendre aussi des difficultés et des défis socioéconomiques. C'est ainsi que nous jugeons utile de commémorer en une semaine, afin de sensibiliser toutes les catégories de la population, entre autres : les communautés, les médias, les étudiants, les professionnels de la santé et les décideurs politiques, pour qu'ensemble nous puissions agir pour lutter contre la RAM.
Existe-t-il quelques statistiques qui décrivent un peu l'ampleur de la situation ?
Il est vrai que la RAM représente un problème de santé publique parce qu'au niveau mondial, nous avons plus de 5 millions de décès qui sont associés à la RAM et nous avons plus d’un millions de décès qui sont directement liés à RAM. Ce qui montre que nous avons des chiffres élevés non seulement liés à la morbidité, mais également aux décès dus à la RAM. Par exemple dans notre continent, on assiste à des automédications. Cela s'avère un acte très dangereux parce que ça peut entraîner l'accélération de la RAM.
Que peuvent faire les communautés pour participer à la lutte contre la RAM ?
Tout d'abord, permettez-moi de mentionner que normalement, lorsqu'une personne a une infection, on utilise les antimicrobiens, les antibiotiques pour traiter ladite infection. Cependant, si on se retrouve dans une situation où il y a une mauvaise utilisation ou une utilisation excessive, cela engendre une résistance aux antimicrobiens, ce qui fait qu’ils deviennent inefficaces pour traiter les infections. Les communautés deviennent un acteur important parce que s'ils comprennent qu'avant de prendre les antimicribiens, il faut une prescription par un personnel médical qualifié, ils vont donc jouer un rôle capital pour prévenir la RAM. Dans notre continent, on assiste à des automédications et cela s'avère un acte très dangereux parce que ça peut accélérer la RAM.
Nous venons d'assister à un débat entre étudiants. Y-a-t-il un avantage à les impliquer ?
C’est un débat avec quatre pays : le Sénégal, la Cameroun, la Zambie et le Zimbabwe. Les étudiants viennent de plusieurs secteurs, entre autres les secteurs liés à la santé humaine, animale et environnementale. Il s’agit d’un partage d’expériences sur la RAM. Ce genre de débat leur permet aussi de s'imprégner de toutes les mesures pour prévenir et pour lutter contre la RAM. Ils représentent l'avenir de notre continent. Au sortir de ce débat, ils vont jouer un rôle capital dans la sensibilisation des communautés, de leurs familles proches et même des collègues, dans leurs exercices professionnels. Leur apport va nous permettre de mieux lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre de l'approche "une seule santé ", couvrant la santé humaine, la santé animale et environnementale.
Propos recueillis par Marianne Ebelle